« Dans la tête… » de Jean-Marc Dalpé, à La licorne

Un spectacle où la « schizophrénie spontanée » mène à la culture générale

À l’entrée de la salle appelée la Grande Licorne, un programme format-type papier journal repose sur la table d’accueil. Il ne s’agit pas de la programmation de la soirée, mais bien de La Queens’, en avant-goût de la pièce de Jean-Marc Dalpé, présentée prochainement à la Grande licorne. L’intrusion dans son oeuvre commence maintenant. Passée la porte, une partie du décor de la pièce éponyme meuble le fond de la scène où se trouve Éric Desranleau, le musicien-improvisateur du spectacle. La jauge s’évalue à 200 places. La salle n’est pas comble, néanmoins elle se remplit vite d’un bon rire gras. Attention, ça peut être glissant !

« Oh my god, mais j’connais pas tous les dramaturges du Québec ! Dalpé, je ne suis pas digne de te recevoir ! »

Moi qui croyais devoir appronfondir des recherches, connaître Dalpé sur le bout de mes dix doigts, et bien non ! N’ayez crainte, nul besoin de connaître Jean-Marc Dalpé pour apprécier son humour, son théâtre, sa langue crue, son univers ! Simon Boudreault, le maître de jeu, nous prend par la main entre chaque cocus de ce spectacle d’improvisation. Au cours des interstices, il introduit l’oeuvre, mais aussi la vie de Dalpé dans ses moindres détails : « Ado, il partage son temps libre entre écrire de la poésie sur ses plus grandes peines d’amour et se crosser », raconte Boudreault au sujet de Dalpé en arrachant une fois de plus les rires du public. C’est tout de même intrigant de connaître ces faits inédits concernant l’auteur qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, ni sur Wikipédia ni sur le site web du CEAD. Non seulement Boudreault s’est entretenu avec Dalpé, mais tous les improvisateurs ont eu droit à ce privilège avant le jour J de la représentation. En plus de tout cela, les vedettes de la soirée se sont documentées afin de s’inspirer du style de l’auteur en lisant trois des plus grandes oeuvres de celui-ci : Un vent se lève qui éparpille (2016), Lucky Lady (1994) et Le chien (1987).

Le spectacle : 6 improvisateurs à la charpente solide

La catégorie inventée « demi-écrite » ouvre le spectacle. Cette improvisation périlleuse impose presque la pénalité de rudesse par l’énonciation de sa catégorie, mais les joueurs Luc Senay et Jean-François Nadeau n’en sont pas à leur premier barbecue. Ils parviennent à créer une histoire digne des grands chefs en alternant des répliques d’une scène écrite par Dalpé dont Senay fait la lecture, et des répliques inventées par Nadeau pour remplir les espaces blancs. La soirée se termine par une improvisation chantée. Dalpé a le feu vert concernant le style musical et choisi un rap ayant pour thème : Le dernier verre. Nicolas Michon débute l’improvisation accoté au bar en rapant de façon indisctincte comme un alcoolique qui déverse tout son saoûl sur l’épaule d’un barman. Le flot des paroles est hallucinant, la musique s’accorde parfaitement aux états d’âmes et au style demandé. Les 5 autres improvisateurs complémentent l’accord Michon-Desranleau en ajoutant le refrain « Last-call » qui ponctue la chanson à intervalles réguliers. Marie-Josée Bastien y ajoute son grain de sel en ponctuant le refrain « Last Call » d’une voix claire et chantée qui rappelle le duo entre Dido et Eminem dans la chanson Stan.

Le clou du spectacle : Dalpé, dans la tête de Dalpé

Dès le début du spectacle, Dalpé fait office de coach d’impro/conseiller dramaturge auprès des improvisateurs. Il intègre les cocus comme personne, un regard espiègle un sourire enfantin collés au visage. Il fait partie de l’équipe. Le résultat est franchement étonnant, devient de plus en plus singulier tout au long de la représentation. L’expérience schizophrénique que nous annonce au premier abord Boudreault se prolonge en immergeant Dalpé en chair et en os dans sa propre médecine. Boudreault explique la catégorie. Sébastien Rajotte devra intégrer au monologue ayant pour thème La dette les mots que Dalpé lui glissera à l’oreille. Rajotte débute l’improvisation posté dans un cadre de porte, un élément du décor. Il intègre au fur et à mesure de son discours les mots : « Or, scories, cachette, chevrolet, épinettes », et j’en passe. « Tu roules, tu roules et pis tu roules… », dit le personnage interprété par Rajotte. Un beau clin d’oeil au rôle impressionnant de l’improvisateur qui avance souvent sans savoir où il sera d’un moment à l’autre.

Ne ratez-pas la prochaine édition du spectacle « Dans la tête de… », le lundi 11 mars à 19:00 qui introduira l’auteur François Archambault. Un événement qui comblera votre appétit pour l’inusité !

Pour la programmation complète : theatrelalicorne.com/programmation/

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