Pièce subversive signée Olivier Choinière, Manifeste de la Jeune-Fille sattaque autant à lordre établi quaux mouvements cherchant à le déstabiliser
et qui, sans le vouloir, deviennent eux-mêmes le nouveau statu quo dont on cherchera à se départir.
Sur scène, sept jeunes filles (plutôt des facettes dun même archétype que des personnages concrets) évoluent lune après lautre, délaissant une incarnation A pour adopter un style B, puis C, au fil des tendances de la saison. Dabord consommatrices de mode, de produits de beauté et de magazines féminins, elles adoptent ensuite la manifestation comme mode dexpression. Rapidement lassées, elles sessaient au mode de vie minimaliste-écolo, avant de basculer dans le terrorisme jihadiste.
Pourtant, aucune de ces idéologies (ou de ces clichés) ne parvient à donner une direction à leur vie, en apparence vide de sens ou dappartenance réelle. Leur quête semble vaine: elles cherchent sans relâche une porte de sortie pour échapper au système, sans réaliser que cette porte souvre simplement sur un autre système. Puisque le capitalisme finit immanquablement par récupérer chaque sous-culture pour la transformer en courant de masse, la question se pose: existe-t-il un échappatoire? Certes, on peut réfléchir et sinterroger sur le capitalisme autant quon le désire, mais pour la majorité, il est impensable den changer. Dans ces circonstances, sommes-nous réellement libres?
Au final, ce Manifeste nappartient pas vraiment à la Jeune-Fille. Il expose plutôt les critiques et les questionnements dOlivier Choinière, dont le cynisme englobe à peu près tous les aspects de la société. On ny trouvera ni réponse ni espoir de salut, mais pour le scénariste et metteur en scène, cela importe peu – lessentiel est de se remettre en question.
Portée par la scénographie ingénieuse de Max-Otto Fauteux, ainsi que par les costumes à la créativité déjantée dElen Ewing, la mise en scène évoque le proverbial serpent qui se mord la queue. À limage de la jeune fille, la pièce se transforme, mais ne mène nulle part. Les scènes senchaînent et se répètent, comme prises dans un engrenage sans fin qui nous renvoie sans cesse au commencement. Lintention est louable, mais la pièce de deux heures gagnerait sérieusement à être abrégée.
On ira voir Manifeste de la Jeune-Fille pour se questionner sur le capitalisme, sur la quête incessante du bonheur et ce quelle nous coûte, sur la métamorphose du citoyen en consommateur. On y va aussi pour rire – de la société bien sûr, mais surtout de soi-même, à condition daccepter linévitable constat: la Jeune-Fille, cest vous et moi.
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Manifeste de la Jeune-Fille
Produite par lACTIVITÉ et lEspace Go (où elle a dailleurs débuté à lhiver 2017), la pièce sera en tournée à travers la province jusquau 29 novembre. Amorcées le 5 octobre dernier au Théâtre Outremont, les représentations se poursuivent actuellement à Québec, au Théâtre Périscope.