Certains dentre vous me diront que la Journée Bell cause pour la cause, cest juste un gros stunt publicitaire. Et vous naurez peut-être pas tort. Sauf que, oui, dans le fond, vous aurez tort : lan dernier, 6 919 199,75 $ ont été amassés pour la santé mentale. Au total, ce sont 138 383 995 interactions qui ne visent quun but : déstigmatiser la santé mentale. Surtout, on sest rapproché un peu plus dun dialogue sur un sujet qui est encore tabou en 2019!
Si cest ça que vous prétendez être un stunt publicitaire, bin quon en lance plus de campagnes marketing comme celle-ci, qui a permis dinjecter 100 millions de dollars dans la cause. Je nai aucun mal à encourager publiquement une entreprise qui a aidé 5 588 956 jeunes et enfants, qui a formé 1 451 270 bénévoles et qui a soutenu 6 313 777 personnes en leur offrant un accès à des services en santé mentale.
Des chiffres, des chiffres, ya pas juste ça dans la vie hein? Japprouve. Cest pour cette raison que jai décidé de vous raconter mon histoire. De vous dire pourquoi cette année, la Journée Bell Cause pour la cause me tient autant à cur.
Le 7 septembre 2018, je me suis levée comme nimporte quel autre matin bon, à part le fait que javais encore les deux jambes dans des attelles. Jétais assise sur le bol de toilette pour mes besoins matinaux, et cest là que ma vie a basculé. Bin oui, sua bol toi.
Dun coup, jai senti le malaise menvahir complètement, me dévorer, mavaler dune traite. Jai juste eu le temps de crier à laide avant de mévanouir. Trois secondes. Juste ça. Trois secondes.
Ensuite, cest flou : jai rêvé quand jétais évanouie, et quand je me suis réveillée, javais de la misère à saisir ce qui se passait, jentendais des voix autour de moi Tantôt cétait mon conjoint au téléphone avec le 911, plus tard, les premiers répondants qui essayaient tant bien que mal de me faire répondre à leurs questions. Javais de la misère à parler, et lorsque les ambulanciers mont demandé de me lever, jai compris la gravité de la situation : jétais incapable de bouger. Je pesais trois tonnes, mes bras et jambes sétaient transformés en blocs de ciment, je flottais dans un trou noir et je ne comprenais pas pourquoi.
Jentendais les ambulanciers dire des choses comme : « lèvres bleues », « peau grise », « souffle agonisant » Cétait comme sils parlaient de quelquun dautre Pourquoi aurais-je les lèvres bleues, la peau grise, le souffle agonisant? Lorsquon a réussi à me descendre et à me mettre sur une civière en direction de lhôpital, jai compris : jétais en train de mourir. Jai demandé à mon conjoint de téléphoner à ma mère, et je lui ai dit : « Cest fini Daniel. Cest fini pour moi. »
Je vous épargne tous les détails, car des détails, il y en a beaucoup qui me trottent encore dans la tête. Quotidiennement, je me rejoue le film de ce qui aurait pu être la dernière journée de ma vie. À lhôpital, dans la salle de choc, mon cur et mes poumons ont lâché. Cette merveilleuse aventure enivrante quest la vie se serait terminée là pour moi, si ce nétait des médecins de lHôpital de la Cité-de-la-Santé, qui mont sauvé la vie. Un massage cardiaque de plus dune trentaine de secondes aura été nécessaire pour me « ressusciter ». Chaque jour, je remercie ces personnes pour le cadeau de la vie.
Jai ensuite été transférée à lHôpital du Sacré-Cur, où ma réhabilitation a commencé. Jai enfin su ce qui sétait produit. Le 20 août 2018, jai chuté en vacances à Punta Cana. Les ligaments de mes deux genoux ont été endommagés par la chute, au point où jétais immobilisée. Mon médecin de famille ne ma pas prise en charge lorsque je suis revenue au pays, malgré tous les messages laissés à sa secrétaire. Jai dû attendre une dizaine de jours pour passer une résonnance magnétique, le 6 septembre, et mon rendez-vous chez lorthopédiste devait être à la fin septembre
Comme je ne bougeais presque plus, les caillots ont envahi mes jambes sournoisement : je ne les ai jamais sentis. Ces caillots se sont rapidement ennuyés dans mes jambes et ont entrepris un voyage vers des contrées plus excitantes : mes poumons et mon cur. Le 7 septembre, cest une embolie pulmonaire massive qui ma foudroyée.
Depuis, jai dû réapprendre à marcher, mais aussi à respirer et à vivre. À lHôpital du Sacré-Cur, ça allait : jétais constamment entourée de médecins et dinfirmières prêts à intervenir. À lHôpital Marie-Clarac, où jai été transférée pour continuer ma réadaptation une fois ma vie hors de danger, je nétais jamais seule. Le retour à la maison a été très difficile pour moi. Surtout le soir au coucher. Les barreaux des lits me manquaient terriblement. Javais limpression que le silence me déchirait, étant habituée aux bruits incessants, mais ô combien réconfortants des machines dhôpital. Je me suis acheté plusieurs pyjamas, pour être certaine de ne jamais être retrouvée morte dans un habit sale la nuit. Je pleurais et paniquais, je me levais en pleine nuit pour mhabiller au cas où je devrais retourner à lhôpital.
Si je ressentais un point au mollet ou à la cuisse, jétais convaincue que les caillots sétaient reformés. Quand javais un point aux poumons, ce qui est normal encore, car ils ont été endommagés, je pensais mourir dune embolie. Même si jétais sous anticoagulants et que javais des prises de sang régulièrement, mon sang me préoccupait au plus haut point : et sil se mettait à épaissir et à faire dautres caillots?
Le jour, je me répétais lhistoire de mon embolie, comme je vous la raconte maintenant, mais avec tous les petits détails. Je me suis procuré un système dalarme personnel, que je porte encore dans le cou, au cas où jaurais un malaise
À la recommandation du psychiatre de lHôpital du Sacré-Cur, jai entamé une relation thérapeutique avec une merveilleuse psychologue. Cest elle qui ma appris que je souffrais du syndrome de stress post-traumatique.
« Mais de quel trauma souffres-tu? », ma-t-on déjà demandé.
Je comprends dans le fond. Quand jai demandé à mon entourage cétait quoi le syndrome de stress post-traumatique, on ma parlé dabus, de violence, dagressions, des soldats Et toutes ces réponses sont bonnes. Sauf que mourir, vivre sa propre mort, cest violent. Assez pour que le cerveau se détraque et se mette à faire des liens pour se protéger.
Encore aujourdhui, lorsque je vois un massage cardiaque à la télé, jai des étourdissements. Quand jécoute un documentaire ou que je lis un texte sur le stress post-traumatique, ça me bouleverse. Jai encore peur la nuit, et il m’est arrivé de faire des cauchemars. Le film de mon embolie pulmonaire tourne dans ma tête tous les jours. Je dois me rappeler de manger, le matin ou le midi, car ce nest plus automatique.
Je suis toujours hypervigilante, à lécoute dun symptôme qui pourrait être un signe de quelque chose de plus grave. Je prévois les choses, au cas où : assurances, testaments, arrangements funéraires préalables Autant de choses que je pensais faire « plus tard ».
Je me sens aussi beaucoup redevable. Toutes les personnes qui mont aidée, jaimerais pouvoir les remercier. Jaimerais rencontrer les médecins qui mont sauvé la vie. Revoir les médecins qui se sont occupés de moi quand jétais aux soins intensifs.
La rédaction de ce texte ma fait brailler le contenu du fleuve Saint-Laurent au moins trois fois. Mais faire mon « coming out », ça me fait du bien. Ça met un baume sur mes blessures invisibles. Je réalise que je ne suis pas seule, et la Journée Bell Cause pour la cause me donne une voix. Le stress post-traumatique, cest ma maladie mentale à moi. Grâce à Bell Cause pour la cause, je sais que je peux men sortir, quil y a des ressources et de laide. Quun jour, il ny aura plus de préjugés reliés aux problématiques de santé mentale. Un jour, on va pouvoir dire « je suis victime de stress post-traumatique » sans avoir peur quon nous juge, quon nous traite de faible, de petite nature Quon nous dise « reviens-en la grande ».
Si vous pensez toujours que la Journée Bell Cause pour la cause est un stunt publicitaire et que vous ne voulez pas lencourager, cest votre choix. Mais pourriez-vous penser aux gens qui souffrent et ne pas péter leur bulle? Pouvez-vous penser à toute laide concrète qui sera offerte grâce à ça et laisser votre cynisme de côté?
Pour plus de renseignements sur le stress post-traumatique, je vous recommande ces deux vidéos :
https://zonevideo.telequebec.tv/media/15847/heros-sous-le-choc/heros-sous-le-choc
Si vous avez besoin daide, nhésitez jamais. Voici quelques ressources où on vous accueillera sans vous juger :
Association canadienne pour la santé mentale
Association québécoise de prévention du suicide
Journée Bell Cause pour la cause, c’est le 30 janvier, toute la journée!
#BellCause
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