De quelle façon sommes-nous victimes de notre propre routine et de la monotonie de notre quotidien? Entre l’angoisse que ces systèmes peuvent causer chez certains et la ferme volonté de les contrecarrer, il y a souvent une dualité qui tend à remettre en question plusieurs pans de notre existence. C’est ce que l’autrice Gabrielle Chapdelaine semble avoir voulu illustrer à travers le texte de la pièce Une journée, à l’affiche du Théâtre de Quat’Sous cet automne.

Une coproduction du Théâtre À tour de rôle et de Tableau Noir en codiffusion avec le Théâtre de Quat’Sous, Une journée met en scène quatre personnages tout aussi éclatés et brisés les uns que les autres, qui vivent en parallèle et en symbiose à la fois leur propre version de leur quotidien et révèlent les petites fissures et les parcelles de lumières de chaque moment de leur banalité. L’isolement, la dérive, la dépression et le délire sont des états qui se chevauchent à travers les vingt-quatre heures dans leur vie qui défilent devant le public.
Dans une mise en scène dynamique, vivante et ludique réalisée par Olivia Palacci, on sent plusieurs ruptures de tons intéressants, allant de certains passages abordant l’angoisse parfois abyssale de la prévisibilité du quotidien à la folie qui émane d’un désir de rébellion contre sa propre destinée identitaire. La signature visuelle et sonore est éclectique et animée, ce qui s’oppose sur un ton ironique à la banalité de certaines des scènes et des enjeux dépeints à travers la pièce. Le ton décalé de l’œuvre en général est particulièrement rafraîchissant tout en posant un regard intéressant sur les réflexions excessives que l’on peut porter sur notre finalité et notre raison d’être.

Les quatre interprètes Nathalie Claude, Rose-Anne Déry, Renaud Lacelle-Bourdon et André-Luc Tessier maîtrisent bien la pluralité des tons de leurs textes et marient bien l’humour bon enfant et les touches plus dramatiques des thèmes illustrés dans cette pièce. Entre les heures de cette journée qui défilent à l’écran derrière les décors, on se déplace d’un moment sombre d’isolement vécu par un des personnages dans une exagération presque comique vers un instant de description détaillée de la préparation d’une soupe à la mijoteuse. L’ironie et la dualité des paramètres représentés dans les scènes ajoutent à la complexité insoupçonnée du texte. La richesse de ce texte a d’ailleurs été récompensée puisqu’il s’est valu le prix Gratien-Gélinas, remis au meilleur texte francophone au Canada en 2018.

Une journée est présentée sur les planches du Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 5 novembre. C’est l’occasion parfaitement accessible et divertissante pour ré apprivoiser le théâtre en ce début de saison. C’est à voir !