Akuteu, une création de Production AUEN en codiffusion avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui est présentée ce mois-ci à la Salle Jean-Claude-Germain du théâtre situé sur St-Denis. Cette œuvre est un solo poétique, personnel et intimiste porté par Soleil Launière, une artiste multidisciplinaire issue du milieu de la performance, qui débute d’ailleurs avec Akuteu une résidence de deux créations à la salle intime du CdTA.
C’est dans un enchaînement de mouvements physiques, précis et poétiques que l’artiste se livre sur scène avec la charge émotive d’un premier récit très personnel et prenant. Soleil Launière défend avec beaucoup d’authenticité ce texte qui raconte sa perspective de femme innue qui, de par son apparence physique, se fond dans la société blanche, ce qui la confronte à de grands enjeux identitaires par rapport à son enfance, sa communauté et sa prise de parole.

Dans une série de fragments de son histoire, précisément habillés d’une poésie très sensible et lumineuse, l’autrice et interprète raconte comment son identité, bien que souvent invisibilisée à plusieurs égards, est ce qui anime sa force intérieure, ses questionnements sur la société, ses relations, et surtout, en premier lieu, son rapport à elle-même. La fluidité avec laquelle Soleil Launière manie à la fois le jeu physique et la maîtrise de son texte est une des particularités frappantes de cette proposition.
Dans un espace extrêmement restreint, perchée sur une sorte de plate-forme érigée en angle dangereusement aigu, l’artiste incorpore des mouvements de danse et toutes sortes de contorsions dans différents détours du texte qui ont trait, entre autres, à sa relation avec la nature, avec ses amants et avec son propre corps. La co-mise en scène que Soleil a assurée avec Johanne Haberlin est assez minimaliste, mais efficace pour mettre toute l’emphase sur la poésie, les mouvements captivants et sied bien à l’aspect profondément intimiste de la création.

Akuteu aborde avec beaucoup d’ouverture et de force une critique du rapport renouvelé que la communauté majoritairement blanche entretient avec les femmes autochtones en lien avec une sorte de recherche de déculpabilisation de masse abrégée et maladroite. Soleil Launière utilise avec brio sa tribune pour dénoncer l’instrumentalisation de plusieurs femmes issues des communautés autochtones, à qui l’on remet le fardeau d’éduquer les allochtones ou de représenter quelque chose qu’elles ne sont pas forcément. Le moment ou Soleil nomme un à un, pendant de longues minutes, les noms de femmes autochtones disparues ou assassinées est un moment fort de la pièce.
En bref, cette formule solo présente une perspective plus que pertinente et peu souvent mise en scène. La vérité immense de ce texte et la façon dont l’artiste le livre avec abandon et générosité sont impressionnantes.