Déclarations: un doux et douloureux manège

L’auteur torontois à succès Jordan Tannahill s’est enflammé, dans une démarche d’écriture automatique, en pondant des centaines de lignes, d’affirmations, qui dépeignaient tout ce qu’il ressentait et ce qui lui venait en tête à un moment de sa vie durant lequel sa mère était atteinte d’un cancer incurable. Le romancier et dramaturge bien connu pour ses succès littéraires, mais aussi pour ses exploits au théâtre, signe ce texte, intitulé Déclarations, qui est actuellement en représentation au Théâtre Prospero à Montréal dans sa version francophone, une traduction signée Fanny Britt.

Souvent en choeur ou les uns à la suite des autres en format décalé, les interprètes s’activent dans une espèce de chorégraphie d’affirmations qui se collent les unes contre les autres en une sorte de cacophonie vivante. Le thème de la conceptualisation de la mort comme une autre dimension dans la vie affective est très présent dans le texte très personnel et bouillant qui se trace au fil de diverses phrases qui se dictent comme des pensées parfois poétiques, parfois étrangement communes ou discordantes. Les mots qui déferlent comme une danse à la fois morbide et lumineuse sont sans compromis et s’entremêlent comme les voix multiples qui semblent avoir eu écho dans la tête de l’auteur à ce moment sombre de sa vie durant lequel souvenirs, nostalgie et espoir se faisaient violence.

Crédit photo : Maxime Robert-Lachaîne

La mise en scène menée par Mélanie Demers illustre bien l’aspect profondément vivant et candide du texte à travers des enchaînements de mouvement fluides et des images qui se construisent et se déconstruisent sur scène en temps réel. On croit presque assister à un ballet alors que les personnages jouent avec la lumière, les décors et enfilent des costumes et se dénudent au rythme des déclarations qui évoquent différentes époques dans la relation que l’auteur avait avec sa mère, entre souvenirs concrets et aspirations, références à la culture populaire et réflexions pernicieuses.

Les interprètes Vlad Alexis, Marc Boivin, Claudia Chillis-Rivard, Macha Limonchik, Jacques Poulin-Denis ne semblent pas être tous au même niveau d’abandon dans cette performance, mais cela ne nous empêche tout de même pas d’entrer dans le bal et de nous laisser prendre au jeu. Cette forme d’interprétation est envoûtante sans pour autant être trop étourdissante et laisse place à tout le poids des mots et de l’intention de l’auteur. La traduction signée Fanny Britt est précise et bien rythmée.

Crédit photo : Maxime Robert-Lachaîne

Pour vous faire surprendre par une forme théâtrale assez singulière et déstabilisante, je vous suggère de vous rendre au Théâtre Prospero jusqu’au 19 novembre prochain pour assister à une représentation de Déclarations. Bonne découverte!

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