Produit par La Manufacture, Les étés souterrains est présenté à La Licorne durant la majeure partie du mois de septembre. Le dramaturge, comédien et metteur en scène Steve Gagnon signe ce texte qui s’anime sur scène sous la forme d’un solo rythmé qui dépeint l’histoire d’une professeure de littérature émancipée, libre et intransigeante qui mène sa vie selon ses convictions tranchées qui vont, la plupart du temps, à l’encontre des conventions établies.

À un moment de sa vie durant lequel elle semble avoir tout pour la rendre heureuse, une épreuve sans précédent se présente à cette femme extraordinairement fière et la mène à se retrouver seule, confrontée à sa fragilité et à sa vulnérabilité. Alors qu’elle se plaît dans sa profession d’enseignante et passe tous ses étés en Provence avec ses amis, une maladie dégénérative s’impose dans la vie de celle dont la tête et le corps n’avaient jusqu’alors jamais vraiment été ébranlés. C’est à travers ce grand déclin qu’elle se rend compte de sa faillibilité et se met à voir la vie et les relations humaines sous un nouvel angle.
Les étés souterrains étant le deuxième texte de Steve Gagnon produit au théâtre par La Manufacture, après En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas, le dramaturge a créé cette pièce complètement sur mesure pour le style d’interprétation de Guylaine Tremblay, dans l’espoir de travailler avec elle. Celle-ci, qui a accepté la proposition sans hésiter, porte ce solo poignant avec toute la maîtrise et la sensibilité qu’on lui connaît.

Dans une mise en scène minimaliste et dénudée de tout artifice orchestrée par Édith Patenaude, Guylaine Tremblay mène ce solo de façon remarquable avec beaucoup d’aplomb et de précision. Au gré du temps qui défile dans le texte, son personnage se transforme continuellement, à travers le mouvement et les différentes cassures qui se posent sur son parcours. Des projections sur écran géant se bousculent en alternance avec les mots qui affluent, passant d’un ton complètement déjanté et libéré à un autre beaucoup plus dramatique et sombre.
Les monologues poétiques sous forme de vidéos pré-enregistrés qui sont montrés à l’écran sont particulièrement bouleversants. On prend alors toute la mesure du talent brut de la comédienne avec son expression qui perce l’écran et son interprétation du texte qui semble rendue sans effort, avec beaucoup de profondeur. Les ruptures de ton qui font partie de l’exercice de style pour dresser le contraste entre la vie d’avant et celle qui suit un tel diagnostic sont intéressantes, mais mènent dans certains cas à des lignes humoristiques qui sont un peu trop appuyées et tombent à plat à quelques moments. La présence scénique puissante de Guylaine Tremblay ainsi que son éventail de jeu qui ajoutent beaucoup de sensibilité à l’œuvre globale rend bien justice à ce précieux texte de Steve Gagnon.