Ils viennent du Honduras, du Guatemala, du Mexique, du Salvador. Les plus jeunes n’ont que quelques mois, tandis que les plus vieux ont dépassé les 70 ans. Certains laissent leurs parents derrière; d’autres, leurs enfants. Confrontés à la pauvreté et à la criminalité, mués par une volonté qui frôle le désespoir, ils ont choisi de quitter leur pays natal pour entreprendre un périple des plus dangereux. La ligne d’arrivée : la frontière mexicano-américaine.
Touché par les histoires renversantes des nombreux migrants qu’il a interviewés, le cinéaste mexicain Alejandro G. Iñárritu a conçu une œuvre immersive de réalité virtuelle afin de nous amener à leur rencontre. Présentée en première canadienne par le Centre PHI dans les espaces de l’Arsenal Art Contemporain, Carne y Arena sera ouverte au public du 17 mars au 20 juin 2021. L’installation a d’ailleurs reçu un Oscar depuis son dévoilement en première mondiale lors du 70e Festival de Cannes en 2017.

À travers ce projet mûri pendant 10 ans, Iñárritu donne un nom, une voix et un visage à ces migrants anonymes, concrétisant l’épreuve à priori inimaginable qu’ils ont surmontée et dissolvant les frontières entre leur vécu et le nôtre. Rien n’y est inventé. Les scènes auxquelles nous prenons part ont été écrites par le réalisateur à partir de récits réels. Quant aux avatars, ils ont été créés et joués par les migrants eux-mêmes. Le spectateur est ainsi invité à les rejoindre et à vivre, l’espace de 20 minutes, ce parcours qui dure en réalité des jours, des semaines, voire des mois – et qui, à certains égards, ne prend jamais véritablement fin.
L’expérience se déroule en solo et est composée de deux parties. Elle débute par une brève période d’attente dans une reconstitution d’une cellule de détention comme celles que l’on retrouve à la frontière (surnommées les “congélateurs”, en raison du froid glacial qui y règne). Après avoir enlevé ses chaussures, on pénètre dans une vaste pièce au sol couvert de sable, où l’on enfile l’équipement de réalité virtuelle. Le film démarre aussitôt, nous entraînant au cœur d’un désert en pleine nuit. On assiste ensuite aux nombreuses épreuves qui surviennent lors de la traversée, dans une escalade de tension anxiogène qui nous confronte à notre complète impuissance.
Une fois la portion cinématographique terminée, l’expérience se poursuit dans un long couloir sombre où de courtes vidéos racontent l’histoire d’une dizaine de migrants. Plus émouvantes et ahurissantes les unes que les autres, les trajectoires de vie de ces individus – que nous venons d’accompagner à travers le désert – bousculeront les idées reçues du plus convaincu des nativistes. Plus encore, elles témoignent des trésors de détermination et de résilience que ces personnes ont su déployer, afin de reconstruire leur vie, après avoir pris le risque de la perdre.
Précipitez-vous à l’Arsenal, car vous ne voudrez pas manquer ce tour de force à la vocation tant artistique que sociale. Et tant qu’à s’y rendre, profitez-en pour jeter un coup d’œil à l’autre exposition en cours, Noeuds Sauvages, de l’artiste français Michel Othoniel. Ses séduisantes sculptures en verre miroité transforment l’espace en un lieu onirique, qui vous ramènera doucement sur terre après ce voyage plein d’émotions.
Pour plus de renseignements : carne-y-arena.com/fr