
La beauté et la particularité du cinéma québécois résident souvent dans l’intimité qui se crée entre les créateurs et ceux qui se rendent disponible à leurs oeuvres. Cette intimité se fera assurément ressentir chez les cinéphiles qui pourront accueillir chez eux (et en eux) le tout récent film Vacarme, disponible depuis quelques jours, sur la plateforme de diffusion en ligne Crave.
Le premier long métrage de Neegan Trudel avait été présenté en première mondiale au Festival Cinémania le 10 novembre dernier. En dépit des conditions actuelles assez décevantes, notamment pour le milieu culturel, Vacarme rejoindra quand même les amateurs de cinéma sur le petit écran cet automne.
Ce drame social traite de façon brute et sensible le thème assez peu fréquemment exploité de la protection de la jeunesse au Québec. Émilie, 13 ans, interprétée par la toute jeune et brillante actrice Rosalie Pépin, traverse divers jalons de son enfance atypique alors qu’elle est abandonnée perpétuellement par sa mère, jouée par Sophie Desmarais. Négociant avec ses propres limites, celles des autres et celles du système, la jeune adolescente s’accroche à sa passion, la musique, pour garder la tête hors de l’eau.
Jouant avec les codes de son nouveau milieu alors qu’elle loge dans un foyer de groupe, Émilie se lie rapidement d’amitié avec Ariel, personnage incarné par Kelly Dépeault (La déesse des mouches à feu) et comprend à ses propres dépens qu’elle a une propension à se plaire et à se perdre, bien malgré elle, dans des relations toxiques et abusives.

À l’image de sa relation avec sa mère Karine, artiste instable et toxique, Émilie apprivoise la vie de façon tumultueuse et souvent vertigineuse. Elle ère dans un grand vacarme, comme dans le grand désordre de sa vie et y perd complètement ses repères, qui étaient déjà assez peu lumineux. Le film évoque un vacarme qui se manifeste parfois aussi en un grand silence. Le silence de l’isolement, de la peur et de la faim au sens propre et figuré. Vacarme traduit bien la réalité crève-coeur de l’abandon et la grande solitude que vivent ces enfants victimes, de façon crue, mais sensible et troublante, mais incarnée.
La période dans laquelle nous nous trouvons est sans doute particulièrement difficile pour les enfants en situation d’abandon et victimes de violence ou de négligence. Cette œuvre est donc non seulement bien ficelée et poignante, mais elle en est aussi une qui s’avère nécessaire et éclairante.